Station: [12] Le Schlössle


Avouons d’emblée l’amère vérité : Le « Schlössle », terme dialectal équivalant à « petit château », n’en est pas un. Et il ne l’a jamais été, n’en déplaise aux moines bénédictins locaux tentés parfois de le percevoir comme tel. 

Le bâtiment rectangulaire de trois étages a appartenu au monastère de Schuttern, situé non loin de là, jusqu’à la sécularisation. Cette bâtisse servait de domicile au prévôt du monastère et de résidence d’été à l’abbé. En témoigne le double blason que vous apercevez au-dessus de l’entrée principale du « petit château ». 

A gauche figurent les armoiries du monastère : un roi agenouillé offrant une église à la Vierge Marie et à l’Enfant Jésus. Sur le côté droit, on distingue un sanglier sur une surface d’eau ondoyante. Ce blason appartient à Placidius Bacheberle, ultime abbé de Schuttern, qui officia entre 1786 et 1806. 

Pour l’essentiel la construction du « petit château » intervient au 18ème siècle, mais les biens du cloitre sont beaucoup plus anciens : dès 1016, l’empereur Henri II fait don à l’abbaye de Schuttern d’un « Freihof » nommé « Ruotgeresvilere « littéralement « Hameau de Routger ».  Le terme « Freihof » - littéralement « cour libre » - est utilisé en zone germanophone pour désigner un espace domanial libre de droits fiscaux. L’existence de la chapelle Saint-Georges est attestée trois siècles plus tard, dès l’an 1313. Le Freihof se développe, et Ruotgeresvilere finit par devenir Heiligenzell. 

Le Freihof de Heiligenzell est probablement une sorte de manoir pourvu d’écuries et de granges, d’un lavoir, d’un séchoir, et il finit même par se doter d’une tour de prison...

... car l’abbé de Schuttern dispose du droit de basse justice sur tout individu résidant sur la propriété monastique. Ce privilège est invalidé en 1806 avec la sécularisation qui sonne le glas des structures monastiques. Quelques années plus tard, Johann Jakob Hugo, maire de Lahr, et son gendre, Franz Meister, acquièrent le bâtiment pour y installer une usine de chicorée et de tabac.

Dès lors, ce lieu abrite les installations où sont torréfiées les racines de chicorée et roulés les cigares. Toutes souriantes, les ouvrières posent devant le portail principal. Dans les années 1970, après avoir subi plusieurs affectations, le bâtiment se trouve dans un tel état de délabrement qu’une démolition s’impose. Mais sous la pression des protestations émises par le service de conservation des monuments historiques, la municipalité de Friesenheim entreprend de rénover le vénérable Schlössle. Depuis 1984, le bâtiment, qualifié de « monument culturel majeur », est un centre culturel accueillant concerts et expositions.