Station: [10] sculpture sans tête (Vierge)


Drapé fluide, plis opulents, qui caressent, tout en douceur, le modelé d’un corps féminin élancé … nul doute qu’à l’aube du 15ème siècle, en Rhénanie supérieure, cette sculpture d’argile, gravement endommagée, frise la perfection en termes d’esthétique et de virtuosité.

Avec ses « belles madones », le style qualifié de « doux » ou « tendre » [« weicher Stil » en allemand] a façonné la sculpture gothique tardive entre 1380 et 1450. A n’en pas douter, cette figure féminine a occupé une place singulière dans l’église du monastère roman.

C’est à la faveur des fouilles entreprises dans les années 1970 que cette petite statue a été mise au jour… mais brisée, hélas, en une multitude de fragments. L’engagement et la méticulosité de Karl List, archéologue en charge des fouilles, ont permis à la « madone d’argile de Schuttern » d’être reconstituée au prix d’un travail alliant minutie et rigueur. Mais la tête et les bras de la Vierge ainsi que l’Enfant Jésus n’ont pu être retrouvés.  

La destruction de cette statue de la Vierge serait-elle due à des circonstances historiques ? Il n’est pas exclu qu’elle ait pu être mutilée durant les épisodes d’iconoclasme qui ont ponctué les luttes confessionnelles durant la Réforme. Car dans l’Europe entière, la volonté acharnée d’élaborer une nouvelle liturgie a engendré d’innombrables destructions d’œuvres d’art. A quoi s’ajoute la contestation radicale de la place essentielle occupée par la Vierge dans la foi catholique.

Le 3 mai 1525, des paysans rebelles saccagèrent l’abbaye de Schuttern... allant peut-être jusqu’à mutiler aussi cette statue d’argile. Voici les termes employés par l’un des abbés ultérieurs pour décrire les pertes causées en ce temps-là :

« Durant cette Guerre des Paysans, la Maison de Dieu a été de fond en comble pillée de ses fruits, vins, chevaux, bétail, et mobilier de ménage ; dégradés tous les écrits conservés par le cloitre, tels que livres d’intérêts, de créances, de comptes, ainsi que toutes les lettres scellées, soit en résumé toute la maison, l’église et l’abbaye. »